Analyse


IMC, mortalité et facteurs confondants


15 04 2017

Professions de santé

Diététicien, Ergothérapeute, Médecin généraliste
Analyse de
Aune D, Sen A, Prasad M, et al. BMI and all cause mortality: systematic review and non-linear dose-response meta-analysis of 230 cohort studies with 3.74 million deaths among 30.3 million participants. BMJ 2016;353:i2156. DOI: 10.1136/bmj.i2156


Conclusion
Cette méta-analyse de cohorte confirme qu’un IMC plus élevé augmente le risque de décès. Elle montre en outre que le tabagisme et la durée d’observation (très probablement en raison de la manifestation de pathologies initialement ignorées) peuvent être des facteurs confondants du lien entre le niveau d’IMC et le risque de décès.



 

Nous nous sommes intéressés plusieurs fois dans la revue Minerva au lien existant entre un Indice de Masse Corporelle (IMC) élevé et une mortalité plus précoce. Nous avons souligné qu’une obésité à l’âge de 30 à 49 ans entraînait une réduction importante de l’espérance de vie (1,2).

Par contre, une étude de cohorte (3) avait montré une diminution du risque de décès plus précoce chez des femmes âgées d’au moins 70 ans et en surpoids (IMC entre 25,5 et 29) versus personnes âgées avec un poids normal (IMC de 18 à 24,9) (4).

Nous avons aussi souligné l’intérêt, en cas d’obésité sévère (IMC > 40 ou > 35 avec comorbidité), de la chirurgie bariatrique en termes de mortalité (5,6).

Nous avons aussi insisté sur l’intrication (présence de facteurs confondants) entre IMC et autres facteurs de risque cardiovasculaire, par exemple le tabagisme (7,8).

 

Aune et al. publient en 2016 (9) une synthèse méthodique avec méta-analyse des résultats de 230 études de cohorte (uniquement celles publiées en anglais) de populations non spécifiques (exemple : exclusion des études concernant des sujets présentant un diabète), soit 30 361 918 personnes avec > 3 748 549 décès ; 96 études concernant des populations européennes. Ils rappellent que plusieurs analyses sommées de cohorte ont montré un risque de mortalité s’accroissant avec la valeur d’IMC, la relation ne paraissant cependant significative dans une publication plus récente qu’à partir d’un IMC de 35 dans une large méta-analyse de 97 études publiée en 2013 (10) : HR à 1,29 avec IC à 95% de 1,18 à 1,41. Aune et al. soulignent que de telles courbes et seuils ne tiennent pas compte de facteurs confondants tels que le tabagisme et un faible poids lié à la présence d’une pathologie diagnostiquée ou non. Ils ont donc réanalysé les données de la littérature en fonction de la durée d’observation (pour pouvoir exclure la période précoce de suivi) et en fonction de la présence d’un tabagisme ou non, en se focalisant sur la forme de la courbe du risque relatif de décès de toute cause versus IMC et sur le nadir dose-réponse (c’est-à-dire le RR de décès en fonction de la valeur d’IMC).

 

Le risque relatif sommé de décès pour une augmentation de 5 unités d’IMC est de :

  • 1,18 avec IC à 95% de 1,15 à 1,21 (I² de 95%) pour les personnes n’ayant jamais fumé (53 études), la diminution étant plus forte pour les < 65 ans que pour les plus âgés
  • 1,21 avec IC à 95% de 1,18 à 1,25 (I² de 93%) pour les sujets en bonne santé (sans pathologie initiale) n’ayant jamais fumé
  • 1,27 avec IC à 95% de 1,21 à 1,33 (I² de 89%) pour les sujets en bonne santé non fumeurs avec exclusion des suivis de courte durée (moins de 6 ans, avec probabilité plus grande de décès de patients avec une pathologie initiale non détectée)
  • 1,05 avec IC à 95% de 1,04 à 1,07 (I² de 97%) pour l’ensemble des participants.

Soulignons la forte hétérogénéité des résultats des études prises en considération.

Le nadir de l’IMC de la courbe est :

  • à 23-24 pour les personnes n’ayant jamais fumé (avec une courbe en J)
  • à 22-23 pour les non malades n’ayant jamais fumé (avec une courbe en J)
  • à 20-22 pour les personnes n’ayant jamais fumé avec suivis de plus longue durée (au moins 20 ans)
  • à 25 pour l’ensemble de la population (avec une courbe en U).

 

Les auteurs de cette étude notent qu’une forme de courbe en U résulte d’analyses avec un potentiel plus important de biais liés à l’inclusion de tout participant (non fumeur, fumeur actuel, ancien ou en continu) ou incluant des études avec un suivi de courte durée (moins de 5 ou de 10 ans) ou de score de qualité modérée. Selon eux, un risque accru de mortalité en cas de poids (IMC) faible pourrait être lié à la présence d’une pathologie initialement non diagnostiquée.

 

Conclusion

Cette méta-analyse de cohorte confirme qu’un IMC plus élevé augmente le risque de décès. Elle montre en outre que le tabagisme et la durée d’observation (très probablement en raison de la manifestation de pathologies initialement ignorées) peuvent être des facteurs confondants du lien entre le niveau d’IMC et le risque de décès.

 

 

Références 

  1. De Backer G. L'obésité réduit l'espérance de vie. MinervaF 2004;3(1):7-9.
  2. Peeters A, Barendregt JJ, Willekens F, et al; NEDCOM, the Netherlands Epidemiology and Demography Compression of Morbidity Research Group. Obesity in adulthood and its consequences for life expectancy: a life-table analysis. Ann Intern Med 2003;138:24-32. DOI: 10.7326/0003-4819-138-1-200301070-00008
  3. Stessman J, Jacobs JM, Ein-Mor E, Bursztyn M. Normal body mass index rather than obesity predicts greater mortality in elderly people: the Jerusalem longitudinal study. J Am Geriatr Soc 2009;57:2232-8. DOI: 10.1111/j.1532-5415.2009.02567.x
  4. Poelman T. Les personnes âgées en surpoids vivent-elles plus longtemps ? MinervaF 2010;9(8):90-1.
  5. Michiels B. Mortalité 7-10 ans après chirurgie bariatrique. MinervaF 2008;7(4):64.
  6. Sjöström L, Narbro K, Sjöström CD, et al; Swedish Obese Subjects Study. Effects of bariatric surgery on mortality in Swedish obese subjects. N Engl J Med 2007;357:741-52. DOI: 10.1056/NEJMoa066254
  7. Chevalier P. Le tabac, facteur de risque de thromboembolie veineuse ? Minerva bref 15/02/2015.
  8. Cheng YJ, Liu ZH, Yao FJ, et al. Current and former smoking and risk for venous thromboembolism: a systematic review and meta-analysis. PLoS Med 2013;10:e1001515. DOI: 10.1371/journal.pmed.1001515
  9. Aune D, Sen A, Prasad M, et al. BMI and all cause mortality: systematic review and non-linear dose-response meta-analysis of 230 cohort studies with 3.74 million deaths among 30.3 million participants. BMJ 2016;353:i2156. DOI: 10.1136/bmj.i2156
  10. Flegal KM, Kit BK, Orpana H, Graubard BI. Association of all-cause mortality with overweight and obesity using standard body mass index categories: a systematic review and meta-analysis. JAMA 2013;309:71-82. DOI: 10.1001/jama.2012.113905

 

 


Auteurs

Chevalier P.
médecin généraliste
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