Analyse


Angor stable : traitement médical ou invasif ? Quel type d’endoprothèse coronaire ? Données récentes


15 09 2017

Professions de santé

Médecin généraliste
Analyse de
Bønaa KH, Mannsverk J, Wiseth R, et al; NORSTENT Investigators. Drug-eluting or bare-metal stents for coronary artery disease. N Engl J Med 2016;375:1242-52. DOI: 10.1056/NEJMoa1607991


Conclusion
La récente RCT de Bønaa et al. ne montre pas de différence pour le critère de jugement primaire composite (décès de toute cause, infarctus du myocarde non fatal) - sauf peut-être pour les revascularisations nécessaires dans les 6 ans - entre des endoprothèses de nouvelle génération, métalliques ou médicamenteuses, chez des patients avec une pathologie coronarienne stable ou non nécessitant une angioplastie. Les méta-analyses évaluant le bénéfice relatif des différentes approches thérapeutiques (médicales, CABG, PCI) de l’insuffisance coronarienne (symptomatique ou non) sont difficiles à interpréter quand elles comparent des traitements de différentes générations (évolution des techniques chirurgicales, des endoprothèses métalliques et médicamenteuses, du traitement médical optimal).


Que disent les guides de pratique clinique ?
En cas d’angor stable (ou d’ischémie silencieuse), le GPC de l’European Society of Cardiology de 2014 précise les cas dans lesquels une revascularisation (par pontage ou angioplastie percutanée) est indiquée dans un objectif pronostique ou symptomatique, sans mentionner clairement de préférence pour un type d’endoprothèse dans cette indication. La RCT de Bønaa et al. ici analysée montre, à 6 ans de suivi, un bénéfice (très) limité des endoprothèses médicamenteuses.



Nous avons précédemment analysé dans la revue Minerva plusieurs publications évaluant l’intérêt relatif d’un traitement médical et d’un traitement invasif en cas d’angor stable (1-6). De la dernière publication analysée, nous avons conclu (5) que cette méta-analyse (en réseau) publiée en 2009 (6), qui prenait en considération les techniques plus récentes de mise en place d’endoprothèse (métalliques ou médicamenteuses) lors d’une angioplastie, ne montrait pas plus que les précédentes un intérêt de ces nouvelles techniques versus un traitement médical (y compris médicamenteux) en termes de mortalité et de prévention d’un infarctus du myocarde.

 

Deux méta-analyses ont été publiées en 2014 dans ce domaine de l’insuffisance coronarienne stable.

Stergiopoulos et al. (7) ont analysé l’intérêt d’une angioplastie percutanée (PCI pour Percutaneous Coronary Intervention) + traitement médical versus traitement médical seul chez des patients présentant une pathologie coronaire occlusive avec ischémie myocardique documentée. Ils ont inclus 5 RCTs (total de 5286 patients, études avec minimum 50% de mise en place d’une endoprothèse en cas de PCI). Seuls 31% des sujets ont bénéficié d’une endoprothèse médicamenteuse. Sur un suivi médian de 5 ans, il n’y a pas de différence entre l’approche PCI + traitement médicamenteux et un traitement médical seul en termes de décès (OR à 0,90 avec IC à 95% de 0,71 à 1,16), ni pour l’infarctus non fatal (OR à 1,24 avec IC à 95% de 0,99 à 1,56), ni pour les revascularisations non programmées (OR à 0,64 avec IC à 95% de 0,35 à 1,17), ni pour l’angor (OR à 0,91 avec IC à 95% de 0,57 à 1,44).

 

Windecker et al. (8) ont réalisé une méta-analyse en réseau (comparaisons directes et indirectes) des RCTs incluant des patients présentant une pathologie coronaire symptomatique ou non, études d’une durée d’au moins 6 mois. Ils ont inclus 100 RCTs (93553 patients, d’âge moyen de 62 ans, 76% d’hommes) comparant un traitement médical versus un pontage coronarien (CABG pour coronaryartery bypass grafting) ou une PCI (angioplastie simple, endoprothèse métallique, endoprothèse médicamenteuse de première génération, endoprothèse médicamenteuse de nouvelle génération) + traitement médical. Ils concluent à un bénéfice significatif en termes de mortalité totale pour le CABG versus traitement médical seul. Il existe des différences dans les résultats entre les endoprothèses médicamenteuses, avec un résultat favorable pour l’évérolimus nouvelle génération, résultat à confirmer cependant dans des comparaisons directes. Cette méta-analyse en réseau illustre nos difficultés dans l’interprétation des résultats : les traitements médicaux, percutanés (types d’endoprothèse médicamenteuse comme métallique) et chirurgicaux se sont modifiés au cours des années et il est peu judicieux de comparer des techniques nouvelles avec de plus anciennes au point de vue bénéfice entre choix médical ou invasif.

 

En 2016, Bønaa et al. (9) nous permettent une meilleure connaissance des avantages comparatifs des endoprothèses de nouvelle génération. Ils ont randomisé 9013 patients présentant une pathologie coronaire stable ou instable, bénéficiant d’une PCI, avec mise en place d’une endoprothèse métallique (n = 4504) ou d’une endoprothèse médicamenteuse (n = 4509, évérolimus 82,9% et zotarolimus 13,1%). A 5 ans de suivi, ces auteurs norvégiens n’observent pas de différence pour leur critère de jugement primaire composite (décès de toute cause, infarctus du myocarde non fatal) : HR à 0,98 (avec IC à 95% de 0,88 à 1,09 ; p = 0,66). Pour les critères secondaires, ils mentionnent, à 6 ans de suivi, davantage de revascularisations dans le groupe endoprothèse métallique : HR à 0,76 (avec IC à 95% de 0,69 à 0,85 ; p < 0,001) en faveur des endoprothèses médicamenteuses, une absence de différence en termes de qualité de vie et un résultat à la limite de la signification en faveur des endoprothèses médicamenteuses pour les thromboses d’endoprothèse (HR à 0,64 avec IC à 95% de 0,41 à 1,00 ; p = 0,0498).

 

L’auteur d’un éditorial (10) accompagnant la publication de cette dernière RCT souligne l’intérêt persistant des endoprothèses métalliques, à préférer pour certains types de patients.

Notons aussi qu’une stratégie invasive (angioplastie percutanée ou pontage coronarien par greffon) resterait bénéfique après l’âge de 80 ans selon une RCT (11) également discutée dans Minerva (12) incluant des patients âgés d’au moins 80 ans présentant un infarctus du myocarde non STEMI (ou plus rarement un angor instable) : un bénéfice (en termes de prévention d’une récidive d’infarctus, d’une revascularisation d’urgence, d’un AVC ou d’un décès) est observé pour un traitement invasif en plus d’un traitement médical optimal (HR à 0,53 avec IC à 95% de 0,41 à 0,69 ; p = 0,0001).

 

Conclusion

La récente RCT de Bønaa et al. ne montre pas de différence pour le critère de jugement primaire composite (décès de toute cause, infarctus du myocarde non fatal) - sauf peut-être pour les revascularisations nécessaires dans les 6 ans - entre des endoprothèses de nouvelle génération, métalliques ou médicamenteuses, chez des patients avec une pathologie coronarienne stable ou non nécessitant une angioplastie. Les méta-analyses évaluant le bénéfice relatif des différentes approches thérapeutiques (médicales, CABG, PCI) de l’insuffisance coronarienne (symptomatique ou non) sont difficiles à interpréter quand elles comparent des traitements de différentes générations (évolution des techniques chirurgicales, des endoprothèses métalliques et médicamenteuses, du traitement médical optimal).

 

Pour la pratique

En cas d’angor stable (ou d’ischémie silencieuse), le GPC de l’European Society of Cardiology de 2014 (13) précise les cas dans lesquels une revascularisation (par pontage ou angioplastie percutanée) est indiquée dans un objectif pronostique ou symptomatique, sans mentionner clairement de préférence pour un type d’endoprothèse dans cette indication. La RCT de Bønaa et al. ici analysée montre, à 6 ans de suivi, un bénéfice (très) limité des endoprothèses médicamenteuses.

 

 

Références 

  1. Schröder E. Quelle place pour l'angioplastie coronaire en sus d'un traitement médical optimal dans le contexte de l'angor stable ? MinervaF 2008;7(1):2-3.
  2. Boden WE, O'Rourke RA, Teo KK, et al; COURAGE Trial Research Group. Optimal medical therapy with or without PCI for stable coronary disease. N Engl J Med 2007;356:1503-16. DOI: 10.1056/NEJMoa070829
  3. Schröder E. Angor stable : traitement médicamenteux ou angioplastie ? MinervaF 2009;8(8):104-5.
  4. Schömig A, Mehilli J, de Waha A, et al. A meta-analysis of 17 randomized trials of a percutaneous coronary intervention-based strategy in patients with stable coronary artery disease. J Am Coll Cardiol 2008;52:894-904. DOI: 10.1016/j.jacc.2008.05.051
  5. Chevalier P. Angor non aigu : traitement médical ou intervention ? MinervaF 2010;9(2):27.
  6. Trikalinos TA, Alsheikh-Ali AA, Tatsioni A, et al. Percutaneous coronary interventions for non-acute coronary artery disease: a quantitative 20-year synopsis and a network meta-analysis. Lancet 2009;373:911-8. DOI: 10.1016/S0140-6736(09)60319-6
  7. Stergiopoulos K, Boden WE, Hartigan P, et al. Percutaneous coronary intervention outcomes in patients with stable obstructive coronary artery disease and myocardial ischemia: a collaborative meta-analysis of contemporary randomized clinical trials. JAMA Intern Med 2014;174:232-40. DOI: 10.1001/jamainternmed.2013.12855
  8. Windecker S, Stortecky S, Stefanini GG, et al. Revascularisation versus medical treatment in patients with stable coronary artery disease: network meta-analysis. BMJ 2014;348:g3859. DOI: 10.1136/bmj.g3859
  9. Bønaa KH, Mannsverk J, Wiseth R, et al; NORSTENT Investigators. Drug-eluting or bare-metal stents for coronary artery disease. N Engl J Med 2016;375:1242-52. DOI: 10.1056/NEJMoa1607991
  10. Bates ER. Balancing the evidence base on coronary stents. N Engl J Med 2016;375:1286-8. DOI: 10.1056/NEJMe1610485
  11. Tegn N, Abdelnoor M, Aaberge L, et al. Invasive versus conservative strategy in patients aged 80 years or older with non-ST-elevation myocardial infarction or unstable angina pectoris (After Eighty study): an open-label randomised controlled trial. Lancet 2016;387:1057-65. DOI: 10.1016/S0140-6736(15)01166-6
  12. Chevalier P. Infarctus du myocarde NSTEMI ou angor instable après l’âge de 80 ans : traitement conservateur ou invasif ? MinervaF 2016;15(7):180-3.
  13. The Task Force on Myocardial Revascularization of the European Society of Cardiology (ESC) and the European Association or Cardio-Thoracic Surgery (EACTS); Windecker S, Kohl P, Alfonso F, et al. 2014 ESC/EACTS Guidelines on myocardial revascularization. Euro Heart J 2014;35:2541-619. DOI: 10.1093/eurheartj/ehu278

 

 




Ajoutez un commentaire

Commentaires