Revue d'Evidence-Based Medicine



Traitements topiques du psoriasis du cuir chevelu



Minerva 2016 Volume 15 Numéro 10 Page 254 - 257

Professions de santé


Analyse de
Schlager JG, Rosumeck S, Werner RN, et al. Topical treatments for scalp psoriasis. Cochrane Database Syst Rev 2016, Issue 2. DOI: 10.1002/14651858.CD009687.pub2


Question clinique
Quelles sont l’efficacité et la sécurité des traitements topiques du psoriasis du cuir chevelu ?


Conclusion
Cette synthèse méthodique avec méta-analyses, correcte sur le plan méthodologique mais incluant des études de qualité méthodologique faible, montre que l’utilisation de corticostéroïdes (très) puissants est plus efficace et plus sûre que les analogues de la vitamine D pour le traitement topique du psoriasis du cuir chevelu. L’association de corticostéroïdes et d’analogues de la vitamine D n’apporte pas de net avantage cliniquement pertinent. Pour les autres traitements topiques, il n’existe que peu de faits probants. Des études cliniques randomisées bien conçues et menées sur le long terme sont nécessaires pour examiner l’effet sur la prévention des récidives, sur la qualité de vie et sur la sécurité des corticostéroïdes de différents niveaux de puissance avec divers types de vecteurs pharmacologiques.


Contexte

Près de 80% des patients atteints de psoriasis présentent des lésions au niveau du cuir chevelu (1). Le risque de problèmes psychosociaux est important (2,3) car il est difficile de cacher sous un vêtement ces lésions rouges et desquamantes. Elles provoquent également souvent des démangeaisons. Malgré un accès difficile à travers la chevelure, les médicaments topiques restent le premier choix dans le traitement de cette affection (4,5). Les corticostéroïdes, les analogues de la vitamine D, les préparations à base de goudron, le dithranol, l’acide salicylique peuvent être appliqués, tant par contact de courte durée (shampooing) que sous une forme de plus longue durée (lotion, gel, pommade). Le psoriasis étant est une affection cutanée chronique, il est important de savoir quel médicament est le plus efficace et le plus sûr.

 

Résumé

 

Méthodologie

Synthèse méthodique avec méta-analyses

 

Sources consultées

  • Cochrane Skin Group Specialised Register, CENTRAL, MEDLINE, EMBASE, LILACS ; jusqu’au mois d’août 2015
  • ISRCTN-, US National Institutes of Health Ongoing Trials-, Australian New Zealand Clinical Trials-, World Health Organization International Clinical Trials-, EU Clinical Trials register ; jusqu’au mois de septembre 2015
  • les références des études trouvées
  • les abstracts des congrès internationaux sur le psoriasis
  • des études non publiées, par le biais de contacts directs avec les investigateurs et les promoteurs
  • pas de restriction quant à la langue de publication.

Études sélectionnées

  • 59 études randomisées contrôlées avec groupes parallèles, croisées ou selon un plan intra-individuel (within subject design), qui, pour le traitement du psoriasis du cuir chevelu, comparaient de quelque manière que ce soit n’importe quel principe actif sous n’importe quel vecteur pharmaceutique 
  • étaient comparés des corticostéroïdes, des analogues de la vitamine D (calcipotriol), l’association de corticostéroïdes et d’analogues de la vitamine D, des corticostéroïdes associés à l’acide salicylique, des produits à base de goudron, d’autres associations de produits avec du dithranol, de l’huile de noix et de coco, de l’urée ou de l’acide salicylique, du ciclopirox olamine, du tacrolimus et du cocois.

Population étudiée

  • 11561 patients de tout âge chez qui avait été posé le diagnostic de psoriasis du cuir chevelu à partir des résultats cliniques ou des résultats de biopsie.

 

Mesure des résultats

  • critères de jugement primaires : diminution de la gravité du psoriasis selon l’estimation faite par le médecin (au moyen du score IGA- Investigator’s Global Assessment, évaluation globale par l’investigateur) selon 2 types de réponses : soit amélioration clinique, soit réponse clinique (définie par une amélioration de 75 à 100% de la sévérité de la maladie) ; amélioration de la qualité de vie ; arrêt du traitement en raison d’effets indésirables
  • critères de jugement secondaires : diminution subjective de la gravité du psoriasis (au moyen du score PGA (Patient’s Global Assessment, évaluation globale par le patient)), effets indésirables mineurs ne nécessitant pas l’arrêt du traitement, durée sans maladie ou durée de la réponse.

Résultats

  • critères de jugement primaires
    • selon le score IGA, l’amélioration clinique était statistiquement plus complète avec les corticostéroïdes versus vitamine D : RR de 1,82 (avec IC à 95% de 1,52 à 2,18 ; N = 4 études ; niveau de preuve modéré) ; et avec l’association de corticostéroïdes + vitamine D versus corticostéroïdes en monothérapie : RR de 1,22 (avec IC à 95% de 1,08 à 1,36 ; N = 4 études) et versus la vitamine D en monothérapie : RR de 2,28 (avec IC à 95% de 1,87 à 2,78 ; N = 4 études ; niveau de preuve modéré)
    • selon le score IGA, la réponse clinique était meilleure avec les corticostéroïdes versus vitamine D : RR de 2,09 (avec IC à 95% de 1,80 à 2,41 ; N = 3 études ; niveau de preuve élevé) ; avec l’association de corticostéroïdes + vitamine D versus corticostéroïdes en monothérapie : RR de 1,15 (avec IC à 95% de 1,06 à 1,25 ; N = 3 études ; niveau de preuve modéré) ; et versus la vitamine D en monothérapie (RR 2,31 avec IC à 95% de 1,75 à 3,04 ; N = 4 études ; niveau de preuve modéré)
    • les données disponibles sont insuffisantes en ce qui concerne la qualité de vie
    • il y a eu statistiquement moins d’arrêts du traitement pour effets indésirables avec les corticostéroïdes versus vitamine D : RR de 0,22 (avec IC à 95% de 0,11 à 0,42 ; N = 4 études ; niveau de preuve modéré) ; et avec l’association de corticostéroïdes et de vitamine D versus vitamine D en monothérapie : RR de 0,19 (IC à 95% de 0,11 à 0,36 ; N = 3 études ; niveau de preuve élevé)
  • critères de jugement secondaires
    • selon le PGA, la réponse était statistiquement meilleure avec les corticostéroïdes versus vitamine D : RR de 1,48 (avec IC à 95% de 1,28 à 1,72 ; N = 3 études) ; et avec l’association de corticostéroïdes et de vitamine D versus corticoïdes en monothérapie : RR de 1,13 (avec IC à 95% de 1,06 à 1,20 ; N = 2 études) ; et versus vitamine D en monothérapie : RR de 1,76 (avec IC à 95% de 1,46 à 2,12 ; N = 4 études)
    • les effets indésirables fréquents pour ces trois interventions étaient l’irritation locale, la douleur et la folliculite
    • tant les corticostéroïdes et la vitamine D en monothérapie que l’association de corticostéroïdes et de vitamine D étaient plus efficaces que le vecteur pharmaceutique
    • pas de différence quant à l’efficacité entre les corticostéroïdes selon qu’ils étaient modérément puissants, puissants ou très puissants
    • pas d’évaluation possible de l’effet de l’acide salicylique, des produits à base de goudron, du dithranol et des autres traitements topiques.

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que tant l’association de corticostéroïdes et de vitamine D que les corticostéroïdes en monothérapie sont plus efficaces et plus sûrs que la vitamine D en monothérapie. Devant la similitude des profils de sécurité et le fait que l’association de produits n’offre qu’un faible avantage par rapport aux corticostéroïdes en monothérapie, ils concluent qu’un corticostéroïde topique en monothérapie est certainement acceptable comme traitement à court terme du psoriasis du cuir chevelu. D’autres essais cliniques randomisés devraient examiner si des traitements spécifiques améliorent la qualité de vie des patients. Il est également nécessaire d’effectuer une évaluation à long terme (6 à 12 mois).

Financement de l’étude

National Institute for Health Research (NIHR), Royaume-Uni.

 

Conflits d’intérêts des auteurs

Tous les auteurs sauf un avaient des liens avec une ou plusieurs firmes pharmaceutiques.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

La qualité méthodologique de cette synthèse méthodique est bonne. La recherche d’études publiées a été effectuée dans de nombreuses bases de données. Des résultats d’études non publiées ont également été retrouvés. Deux chercheurs ont sélectionné les études de manière indépendante et selon des critères définis au préalable. Etant donné qu’il n’y avait pas de critères d’exclusion, l’hétérogénéité clinique est importante en ce qui concerne les populations de patients, les doses des principes actifs et les types de vecteurs pharmaceutiques. L’extraction des données a également été effectuée par deux investigateurs indépendants, et, pour la discussion, un troisième investigateur a été consulté. La qualité méthodologique des études incluses était faible avec seulement 19% des RCTs qui décrivaient la méthode de randomisation, et seulement 7% qui donnaient suffisamment d’informations sur le secret d’attribution (concealment of allocation). Dans l’ensemble, un risque de biais de répartition des patients (allocation bias) dans les études incluses était élevé. Parmi les 33 (56%) études menées en double aveugle, seules 7 décrivaient clairement comment l’insu avait été respecté pour les patients et pour les évaluateurs. Dans plusieurs études, le risque de biais de notification était également élevé, et seulement 14 études avaient effectué une analyse en intention de traiter. Dans les analyses de sensibilité, l’absence d’intention de traiter n’a que peu influencé les résultats. 30 études (environ 50%) ont été menées ou commanditées par le fabricant du médicament étudié.

Interprétation des résultats

59 études incluses ont été regroupées en 11 comparaisons et en 4 comparaisons contrôlées de vecteur pharmaceutique. L’évaluation de l’efficacité effectuée par les patients ne présentait pas de différence versus celle effectuée par les investigateurs. La durée médiane des études était de seulement 4 semaines. Aucune étude n’a examiné l’effet sur la récidive, et les 4 études qui avaient comme critère de jugement la qualité de vie n’ont pas parmi de tirer de conclusions étayées.

Les corticostéroïdes et la vitamine D, tant en monothérapie qu’en association, étaient plus importants que le vecteur pharmaceutique pour réduire et faire disparaître le psoriasis du cuir chevelu. Les corticostéroïdes (très) puissants étaient toutefois statistiquement plus efficaces que la vitamine D pour réduire et faire disparaître le psoriasis du cuir chevelu. Le nombre de sujets à traiter (NNT) était respectivement de 4 (avec IC à 95% de 4 à 5) pour réduire et de 8 (avec IC à 95% de 7 à 11) pour faire disparaître les lésions psoriasiques. L’avantage supplémentaire de l’association corticostéroïde-vitamine D n’était pas cliniquement pertinent. Les auteurs concluent, à juste titre, qu’un corticostéroïde en monothérapie est certainement acceptable. Dans 2 études, aucune différence d’efficacité statistiquement significative entre les corticostéroïdes puissants et les corticostéroïdes très puissants n’a été observée. Pour les autres produits actifs, les données comparatives disponibles étaient insuffisantes pour permettre de tirer des conclusions quant à leur efficacité, notamment pour un produit plus ancien comme le goudron.

De manière générale, le cuir chevelu non glabre réagit mal à un traitement topique, non pas parce que le médicament actif pénètre difficilement la peau, mais bien du fait d’une mauvaise observance (6). Les topiques sont en effet parfois difficiles à appliquer sur le crâne et ne sont pas toujours acceptables d’un point de vue cosmétique (7). La sélection du bon substrat est donc de première importance. Les crèmes et les pommades sont ne sont pas agréables à manipuler et difficiles à appliquer sur le cuir chevelu. De nouveaux vecteurs pharmaceutiques tels que les shampooings, les sprays et les mousses pourraient mieux convenir pour une utilisation au niveau du crâne. Cette synthèse méthodique contient peu de données sur les comparaisons entre vecteurs pharmaceutiques. Une recherche plus poussée devra donc aussi évaluer la tolérance des patients pour les préparations topiques (odeur, adhésivité) car cela peut avoir un impact important sur la qualité de vie.

Les corticostéroïdes, la vitamine D et l’association des traitements ne diffèrent pas selon le vecteur pharmaceutique quant aux effets indésirables (irritation de la peau, sensation de brûlure, folliculite). Cependant, il y avait moins d’effets indésirables et moins d’arrêts du traitement pour effets indésirables avec les corticostéroïdes qu’avec la vitamine D. Aucune différence statistiquement significative quant aux effets indésirables entre les corticostéroïdes puissants et les corticostéroïdes très puissants n’a été constatée. En raison du manque de données, on ne connaît pas l’influence du vecteur pharmaceutique sur le profil de sécurité.

Une recherche est actuellement menée pour trouver de nouveaux agents topiques plus efficaces pour une utilisation à court terme et à long terme avec moins d’effets indésirables. Nous évoluons vers des agents qui bloquent des cibles pathogènes plus sélectives, sans les effets indésirables des corticostéroïdes utilisés sur le long terme. Mais encore faut-il rassembler beaucoup de données concernant leur efficacité, leur sécurité et leur éventuelle supériorité. Le coût plus élevé de ces nouveaux traitements devra être mis en balance avec celui des médicaments existants (8).

 

Conclusion de Minerva

Cette synthèse méthodique avec méta-analyses, correcte sur le plan méthodologique mais incluant des études de qualité méthodologique faible, montre que l’utilisation de corticostéroïdes (très) puissants est plus efficace et plus sûre que les analogues de la vitamine D pour le traitement topique du psoriasis du cuir chevelu. L’association de corticostéroïdes et d’analogues de la vitamine D n’apporte pas de net avantage cliniquement pertinent. Pour les autres traitements topiques, il n’existe que peu de faits probants. Des études cliniques randomisées bien conçues et menées sur le long terme sont nécessaires pour examiner l’effet sur la prévention des récidives, sur la qualité de vie et sur la sécurité des corticostéroïdes de différents niveaux de puissance avec divers types de vecteurs pharmacologiques.

 

Pour la pratique

Le guide de bonne pratique d’EBMPracticeNet et les recommandations de l’association néerlandaise des médecins de famille (NHG) (4,5) préconisent de traiter le psoriasis du cuir chevelu régulièrement (une à plusieurs fois par semaine) au moyen d’un shampooing au goudron de houille, qui a un effet favorable sur la peau (diminution de la desquamation, renforcement de la fonction de barrière, hydratation et diminution de l’irritation). L’efficacité du shampooing au goudron de houille pour le psoriasis du cuir chevelu n’est cependant pas prouvée (9). Des effets indésirables, comme l’irritation et la photosensibilité, peuvent survenir. Des réticences à utiliser cette préparation subsistent car on suspecte un éventuel effet carcinogène. Les préparations à base de goudron de houille ne peuvent jamais être appliquées si la peau présente des lésions (10).

Les épaisses couches de pellicules peuvent d’abord être ramollies avec une crème ou une pommade d’acide salicylique à 10%. Il faut attendre minimum une heure après le rinçage avant de pouvoir appliquer un traitement médicamenteux local. Les recommandations de la NHG proposent un schéma thérapeutique progressif en plusieurs étapes (5) : un corticostéroïde puissant une fois par jour pendant 4 semaines ; en cas d’effet insuffisant, associer un corticostéroïde puissant avec de la vitamine D pendant 4 semaines ; en cas d’effet insuffisant, un corticostéroïde très puissant ou un corticostéroïde puissant appliqué sous occlusion pendant 4 semaines. Si l’utilisation topique d’un corticostéroïde ne donne pas de résultat suffisant après 4 semaines, le traitement doit être limité à un traitement intermittent. La présente synthèse méthodique ne remet pas cette recommandation en question.

 

 

 

Références 

  1. van de Kerkhof PC, Steegers-Theunissen RP, Kuipers MV. Evaluation of topical drug treatment in psoriasis. Dermatology 1998;197:31-6.
  2. van de Kerkhof PC, de Hoop D, de Korte J, Kuipers MV. Scalp psoriasis, clinical presentations and therapeutic management. Dermatology 1998;197:326-34.
  3. Ginsburg IH, Link BG. Psychosocial consequences of rejection and stigma feelings in psoriasis patients. Int J Dermatol 1993;32:587-91. DOI: 10.1111/j.1365-4362.1993.tb05031.x
  4. Psoriasis. Duodecim Medical Publications. Dernière mise à jour: 13/01/2014. Dernière revue contextuelle: 23/02/2016.
  5. Van Peet PG, Spuls Ph, Ek JW, et al. NHG-Standaard Psoriasis (derde herziening). Huisarts Wet 2014;57:128-35.
  6. Dubertret L, Mrowietz U, Ranki A, et al. EUROPSO Patient Survey Group. European patient perspectives on the impact of psoriasis: the EUROPSO patient membership survey. Br J Dermatol 2006;155:729-36. DOI: 10.1111/j.1365-2133.2006.07405.x
  7. Chan CS, Voorhees AS, Lebwohl MG, et al. Treatment of severe scalp psoriasis: from the Medical Board of the National Psoriasis Foundation. J Am Acad Dermatol 2009;60:962-71. DOI: 10.1016/j.jaad.2008.11.890
  8. Rafael A, Torres T. Topical therapy for psoriasis : a promising future. Focus on JAK and phosphodiesterase-4 inhibitors. Eur J Dermatol 2016;26:3-8. DOI: 10.1684/ejd.2015.2663
  9. Samarasekera EJ, Sawyer L, Wonderling D, et al. Topical therapies for the treatment of plaque psoriasis: systematic review and network meta-analyses. Br J Dermatol. 2013 May;168:954-67. DOI: 10.1111/bjd.12276
  10. Prise en charge du psoriasis en plaques. Folia Pharmacotherapeutica 2006;33:46-50.



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