Revue d'Evidence-Based Medicine



QRISK3, la nouvelle mise à jour de l’instrument britannique pour le calcul du risque cardiovasculaire



Minerva 2017 Volume 16 Numéro 8 Page 197 - 199

Professions de santé

Médecin généraliste

Analyse de
Hippisley-Cox J, Coupland C, Brindle P. Development and validation of QRISK3 risk prediction algorithms to estimate future risk of cardiovascular disease: prospective cohort study. BMJ 2017;357:j2099. DOI: 10.1136/bmj.j2099


Question clinique
En prévention primaire, quelle est la contribution de nouveaux facteurs de risque potentiels pour estimer la probabilité de développement d’une maladie cardiovasculaire dans les 10 ans ?


Conclusion
QRISK3, la seconde mise à jour de l’instrument britannique pour le calcul du risque cardiovasculaire primaire à 10 ans chez les personnes ayant entre 25 et 84 ans, définit les nouvelles variables qui sont corrélées de manière indépendante et positive avec la maladie cardiovasculaire (à savoir l’insuffisance rénale chronique de stade 3, 4 ou 5, la migraine, l’utilisation de corticostéroïdes, le LED, l’utilisation de neuroleptiques atypiques, la maladie mentale sévère, la dysfonction érectile et la variabilité de la pression artérielle systolique). Cependant, elles apportent peu de contribution supplémentaire à la détermination du risque cardiovasculaire global.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Les données de cette étude peuvent, sous quelques réserves, être extrapolées à la population belge. Tout le monde peut consulter l’instrument et l’appliquer via le lien https://qrisk.org/three/. C’est un complément utile aux tables SCORE, sur lesquelles s’appuient les recommandations belges, dans le sens où le clinicien a ainsi l’attention attirée sur le traitement optimal des nouveaux facteurs de risque. Il reste à savoir dans quelle mesure la mise en œuvre du traitement), en se référant à ces tables de risque, pourrait contribuer à de meilleurs résultats cliniques.



Contexte

Pour estimer le risque cardiovasculaire global, des tables sont élaborées à partir d’études de cohorte prospectives dans de vastes groupes de la population en calculant les corrélations entre, d’une part, des facteurs de risque cardiovasculaire potentiels et, d’autre part, la mortalité. Pour les investigateurs, c’est un véritable défi que de pouvoir disposer de grandes banques de données contenant le plus de variables pertinentes possibles (1). Le système des soins de santé britannique investit depuis plus de 20 ans dans l’enregistrement digital et codé des données médicales des pratiques des médecins généralistes. L’algorithme QRISK a été développé et validé à partir de ce trésor de données (2). Après une première mise à jour incluant l’origine ethnique et le statut socioéconomique (QRISK2) (3,4), de nouveaux facteurs de risque potentiels ont été mis en avant.

 

Résumé

 

Population étudiée

  • 10561101 patients âgés de 25 à 84 ans (moyenne 43 ans (ET 14 ans)), 89% étant de type caucasien, inscrits dans 1309 pratiques de médecine générale britanniques
  • critères d’exclusion : présence de maladie cardiovasculaire,indice de défaveur sociale de Townsend non lié à un code postal, utilisation de statines.

 

Protocole de l’étude

Étude de cohorte prospective

  • association des données personnelles du dossier médical informatisé avec les données des hôpitaux et des instances sanitaires britanniques pour les statistiques de mortalité
  • avec les facteurs de risque existants du QRISK2 (âge, origine ethnique, classe sociale, pression artérielle systolique, IMC, rapport cholestérol total/HDL-cholestérol, tabagisme, antécédents familiaux, diabète sucré de type 1 et de type 2, hypertension artérielle traitée, polyarthrite rhumatoïde, fibrillation auriculaire, insuffisance rénale chronique de stade 4 ou 5) et les nouveaux facteurs de risque (insuffisance rénale chronique de stade 3, variabilité de la pression artérielle systolique, migraine, utilisation de corticostéroïdes, lupus érythémateux disséminé, neuroleptiques atypiques, maladie mentale sévère, VIH/sida et dysfonction érectile), développement de nouveaux modèles pour prédire le risque cardiovasculaire à 10 ans (cohorte de dérivation : 2/3 de la population de l’étude)
  • calcul de la valeur prédictive des nouveaux modèles (cohorte de validation : 1/3 de la population de l’étude).

 

Mesure des résultats

  • maladie cardiovasculaire, définie comme un critère de jugement composite combinant coronaropathie, AVC ischémique, AIT
  • utilisation du modèle de hasards proportionnels de Cox dans la cohorte de dérivation
  • calcul du pourcentage de variance (R²) dans le temps nécessaire pour diagnostiquer une maladie cardiovasculaire expliquée par les différents modèles dans la cohorte de validation
  • calcul séparé pour les hommes et pour les femmes.

 

Résultats

  • suivi médian de 4,4 ans (écart interquartile de 1,6 à 10,8 ans) pour la cohorte de dérivation et pour la cohorte de validation
  • enregistrement total de 363565 événements cardiovasculaires durant 50,8 millions patients-années dans la cohorte de dérivation
  • parmi les nouveaux facteurs de risque, seul le VIH/sida n’avait pas de corrélation statistiquement significative avec la maladie cardiovasculaire
  • développement de 3 modèles (A = toutes les variables classiques (QRISK2), B = A + toutes les nouvelles variables sauf la variabilité de la pression artérielle systolique parce que cette donnée manque parfois, C = B + variabilité de la pression artérielle systolique (QRISK3))
  • le modèle C explique, chez les femmes, 59,6% (IC à 95% de 59,3 à 60,0) et, chez les hommes, 54,8% (IC à 95 % de 54,6 à 55,3) de la variance (R²) dans le temps pour diagnostiquer une maladie cardiovasculaire, il n’y a pas de différence de R² entre les 3 modèles.

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu’inclure des variables cliniques supplémentaires (comme l’insuffisance rénale chronique, la variabilité dans la pression artérielle systolique, la migraine, l’utilisation de corticostéroïdes, le lupus érythémateux disséminé, la prise de neuroleptiques atypiques, la maladie mentale sévère et la dysfonction érectile) dans QRISK3, peut aider à prédire les personnes qui présentent un risque accru de cardiopathie et d’AVC.

 

Financement de l’étude

Aucun financement externe.

 

Conflits d’intérêts des auteurs

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêts.

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

Les épidémiologistes qui ont l’expérience du QRISK connaissent les avantages et les limites de leur recherche sur une population. D’un côté, ils disposent de données bien représentatives de la première ligne de soins, mais d’un autre côté, ces données sont aussi limitées du fait qu’il n’y a pas de confirmation formelle du diagnostic, qu’il manque certaines valeurs de variables et qu’il existe un biais d’information. Le diagnostic clinique, noté dans le dossier du médecin généraliste et qui est lié aux données de l’hôpital, n’est pas toujours parfaitement fiable. Les investigateurs ont également mené une étude de validation en plus de l’étude de dérivation sur la même population d’étude. Une validation externe des données serait certainement judicieuse, c’est pourquoi les auteurs mettent leur banque de données à disposition.

 

Interprétation des résultats

La solide base de données de première ligne, qui reflète parfaitement la population britannique, constitue un atout pour le modèle britannique du calcul du risque cardiovasculaire. La première publication a eu lieu en 2007 (2), et a rapidement été suivie en 2008 (QRISK2) (3,4) d’une mise à jour avec ajout d’un certain nombre de variables. Dans l’actuel QRISK3, le réseau d’enregistrement s’est considérablement élargi (le nombre de pratiques de médecins généralistes, le nombre de participants et le nombre d’événements cardiovasculaires ont plus que doublé), ce qui a résulté, par rapport aux études antérieures (3,4) en une augmentation du pourcentage de variance (R²) dans le temps nécessaire pour diagnostiquer une maladie cardiovasculaire (de 43% à 59,6% chez les femmes et de 38% à 54,8% chez les hommes). Par contre, l’utilisation de plus de variables dans QRISK3 (modèle C de l’étude actuelle) n’a pas entraîné une augmentation de cette capacité prédictive. Cependant, hormis le VIH/sida, les nouvelles variables sont en soi bien corrélées avec un risque accru, et ce de manière statistiquement significative. Citons, par ordre décroissant d’impact, l’insuffisance rénale chronique de stade 3, 4 ou 5 (rapport de hasards (hazard ratio, HR) 2,05 avec IC à 95% de 1,83 à 2,29), la migraine (HR 1,29 avec IC à 95% de 1,24 à 1,34), la dysfonction érectile (HR 1,25 avec IC à 95% de 1,18 à 1,33), l’utilisation de corticostéroïdes (HR 1,58 avec IC à 95% de 1,5 à 1,66), l’utilisation de neuroleptiques atypiques (HR 1,14 avec IC à 95% de 1,06 à 1,22), la maladie mentale sévère (HR 1,13 avec IC à 95% de 1,10 à 1,15) et la variabilité de la pression artérielle systolique (HR 1,11 avec IC à 95% de 1,09 à 1,12). Cela est à comparer avec les facteurs de risque « connus » tels que le diabète de type 1 (HR 3,44 avec IC à 95% de 3,17 à 3,73), le diabète de type 2 (HR 2,36 avec IC à 95% de 2,23 à 2,50), le tabagisme (HR 2,20 avec IC à 95% de 2,14 à 2,27), l’hypertension artérielle traitée (HR 1,68 avec IC à 95% de 1,61 à 1,74) et le rapport cholestérol total/HDL-cholestérol (HR 1,19 avec IC à 95% de 1,18 à 1,19). Chez les femmes, les risques sont plus élevés avec le diabète de type 1 (HR 5,62 avec IC à 95% de 5,08 à 6,22), la fibrillation auriculaire (HR 4,92 avec IC à 95% de 4,20 à 5,75), le diabète de type 2 (HR 2,91 avec IC à 95% de 2,72 à 3,11), le tabagisme (HR 2,34 avec IC à 95% de 2,25 à 2,43), la classe sociale moins favorisée (HR 1,47 avec IC à 95% de 1,45 à 1,50) et aussi avec la migraine (HR 1,35 avec IC à 95% de 1,30 à 1,40).

 

Conclusion de Minerva

QRISK3, la seconde mise à jour de l’instrument britannique pour le calcul du risque cardiovasculaire primaire à 10 ans chez les personnes ayant entre 25 et 84 ans, définit les nouvelles variables qui sont corrélées de manière indépendante et positive avec la maladie cardiovasculaire (à savoir l’insuffisance rénale chronique de stade 3, 4 ou 5, la migraine, l’utilisation de corticostéroïdes, le LED, l’utilisation de neuroleptiques atypiques, la maladie mentale sévère, la dysfonction érectile et la variabilité de la pression artérielle systolique). Cependant, elles apportent peu de contribution supplémentaire à la détermination du risque cardiovasculaire global.

 

 

Pour la pratique

Les données de cette étude peuvent, sous quelques réserves, être extrapolées à la population belge. Tout le monde peut consulter l’instrument et l’appliquer via le lien https://qrisk.org/three/. C’est un complément utile aux tables SCORE, sur lesquelles s’appuient les recommandations belges (5), dans le sens où le clinicien a ainsi l’attention attirée sur le traitement optimal des nouveaux facteurs de risque. Il reste à savoir dans quelle mesure la mise en œuvre du traitement), en se référant à ces tables de risque, pourrait contribuer à de meilleurs résultats cliniques.

 

 

Références 

  1. De Cort P. Une ombre sur le dépistage du risque cardiovasculaire global en prévention primaire ? [Editorial] MinervaF 2017;16(6):136-7.
  2. Hippisley-Cox J, Coupland C, Vinogradova Y, et al. Derivation and validation of QRISK, a new cardiovascular disease risk sore for the United Kingdom: prospective open cohort study. BMJ 2007:335:136. DOI: 10.1136/bmj.39261.471806.55
  3. Chevalier P. Score d’évaluation du risque cardiovasculaire. MinervaF 2009;8(2):23.
  4. Hippisley-Cox J, Coupland C, Vinogradova Y, et al. Predicting cardiovascular risk in England and Wales: prospective derivation and validation of QRISK2. BMJ 2008;336:1475-82. DOI: 10.1136/bmj.39609.449676.25
  5. Boland B, Christiaens T, Goderis G, et al. Globaal cardiovasculair risicobeheer. Huisarts Nu 2007;36:399-69.

 

 




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