Revue d'Evidence-Based Medicine



Quels sont les traitements efficaces en cas de molluscum contagiosum ?



Minerva 2017 Volume 16 Numéro 10 Page 253 - 256

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien

Analyse de
van der Wouden JC, van der Sande R, Kruithof EJ, et al. Interventions for cutaneous molluscum contagiosum. Cochrane Database Syst Rev 2017, Issue 5. DOI: 10.1002/14651858.CD004767.pub4


Question clinique
Quel est l’effet des différentes interventions proposées en cas de molluscum contagiosum (sauf localisation génitale) chez les personnes immunocompétentes ?


Conclusion
Cette synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration montre que les preuves de qualité manquent concernant l’utilisation des traitements courants du molluscum contagiosum chez les enfants et les adolescents immunocompétents. Il existe néanmoins suffisamment de faits probants contre l’utilisation d’une crème d’imiquimod, au vu de l’absence d’effet et de la survenue de réactions cutanées locales parfois graves. Il y a un besoin urgent d’études méthodologiquement bien conçues avec le curetage et la cryothérapie.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Le guide de pratique clinique Duodecim recommande de faire disparaître les lésions du molluscum contagiosum à l’aide d’une pince spéciale, d’une aiguille ou d’une curette et, chez les enfants anxieux, d’appliquer localement de la crème de lidocaïne/prilocaïne 20 à 30 minutes avant l’intervention. Selon le même GPC, la cryothérapie à l’azote liquide serait une alternative, et l’efficacité des divers autres traitements topiques ou systémiques du molluscum contagiosum est incertaine. Cette synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration peut seulement montrer, avec un niveau de preuve élevé, que l’imiquimod est à déconseiller.



Contexte

Le molluscum contagiosum est une infection virale cutanée fréquente. La prévalence chez les enfants âgés de 0 à 16 ans est estimée à 3% (1). La maladie guérit le plus souvent spontanément chez les personnes immunocompétentes. Chez les enfants ayant entre 4 et 15 ans, les lésions disparaissent en moyenne après 13,3 mois (2). Le traitement est souvent souhaitable pour des raisons esthétiques ou sociales ou pour lutter contre l’extension et la transmission. Actuellement, les traitements de premier choix recommandés sont le curetage et la cryothérapie (3).

 

Résumé

Méthodologie

Synthèse méthodique et méta-analyse

 

Sources consultées

  • Cochrane Skin Group Specialised Register, CENTRAL, MEDLINE, Embase, LILACS ; jusqu’au 21 juillet 2016
  • ISRCTN register, ClinicalTrials.gov, Australian New Zealand Clinical Trials Registry, World Health Organization International Clinical Trials Registry Platform, EU Clinical Trials Register, Netherlands Trial; jusqu’au 4 août 2016
  • Google (avec la combinaison « molluscum » et les noms des auteurs des études pertinentes)
  • listes des études incluses et des articles généraux sur le sujet trouvés dans la littérature
  • consultation des firmes pharmaceutiques et d’experts
  • pas de restriction quant à la langue de publication.

 

Études sélectionnées

  • 22 études randomisées contrôlées (RCTs) portant sur l’effet d’un traitement (que ce soit un traitement physique, topique ou systématique ou encore l’attentisme) du molluscum contagiosum avec un suivi de 3 à 28 semaines (dans 5 études > 3 mois) ; la plupart des études ont été menées en milieu hospitalier en Amérique du Nord (N = 8), au Royaume-Uni (N = 5) et en Asie (N = 8) ; l’âge moyen était de 10 ans.

 

Population étudiée

  • 650 patients, principalement des enfants et des adolescents (au nombre de 20 à 379 par étude) chez qui un molluscum contagiosum avait été diagnostiqué
  • exclusion des personnes atteintes d’immunodéficience ou atteintes de molluscum contagiosum par transmission sexuelle.

 

Mesure des résultats

  • critère de jugement primaire : guérison clinique (disparition complète ou > 90% des lésions cutanées, selon une évaluation effectuée par un médecin) à court terme (jusqu’à 3 mois après le début du traitement)
  • critères de jugement secondaires : guérison clinique à moyen terme (3 à 6 mois) et à long terme (> 6 mois), amélioration (y compris guérison) à court, moyen et long terme, délai jusqu’à la guérison, récidive après 3, 6 et 12 mois, effets indésirables (tels que douleur, formation de phlyctènes, hypersensibilité, cicatrices, excoriations, modification de la pigmentation), transmission à d’autres personnes, qualité de vie en lien avec la maladie.

Résultats

  • critère de jugement primaire :
    • nombre de guérisons cliniques plus important à court terme avec l’huile essentielle de Myrte citronnée qu’avec le véhicule (huile d’olive) (risque relatif (RR) 17,88 avec IC à 95% de 1,13 à 282,72 ; N = 1 ; n = 31) ; avec la crème de peroxyde de benzoyle à 10% qu’avec la crème de trétinoïne à 0,05% (RR 2,20 avec IC à 95% de 1,01 à 4,79 ; N = 1  n = 30) ; avec la crème de nitrite de sodium à 5% + acide salicylique à 5% qu’avec la crème d’acide salicylique à 5% sous pansement occlusif (RR 3,50 avec IC à 95% de 1,23 à 9,92 ; N = 1 ; n = 30)
    • moindres guérisons cliniques à court terme avec la crème d’imiquimod à 5% qu’avec la cryothérapie (RR 0,60 avec IC à 95% de 0,46 à 0,78 ; N = 1; n = 74) et qu’avec la solution de KOH à 10% (RR 0,65 avec IC à 95% de 0,46 à 0,93 ; N = 2 ; n = 67 ; I² = 0%) et avec de l’huile iodée ou de l’huile de théier seule qu’avec l’association de l’huile iodée + huile de théier (respectivement RR 0,07 avec IC à 95% de 0,01 à 0,50 ; N = 1 ; n = 35 et RR 0,20 avec IC à 95% de 0,07 à 0,57 ; N = 1 ; n = 37)
    • pas de différence de guérison clinique à court terme avec la crème d’imiquimod à 5% versus excipient seul (N = 4 ; n = 850 ; I² = 0%), avec une solution de KOH à 5% versus solution de NaCl à 0,9% (N = 1 ; n = 20), avec une solution de KOH à 2,5% versus solution de KOH à 5% (N = 1 ; n = 25), avec une solution de KOH à 10% versus collodion d’acide salicylique à 14% + acide lactique à 14% (N = 1 ; n = 33), avec une solution de KOH à 10% vs curetage (N = 1 ; n = 34) et à la cryothérapie (N = 1 ; n = 30), avec une solution de povidone iodée à 10% vs patch d’acide salicylique à 50% (N = 1 ; n = 15), avec une solution de povidone iodée à 10% vs solution de povidone iodée à 10% + patch d’acide salicylique à 50% (N = 1 ; n = 25), avec un patch d’acide salicylique à 50% vs solution de povidone iodée à 10% + patch d’acide salicylique à 50% (N = 1 ; n = 30), avec une crème de cantharidine à 0,7% vs véhicule (N = 1 ; n = 29), avec le collodion d’acide salicylique à 14% + acide lactique à 14% vs curetage (N = 1 ; n = 34), avec de l’huile iodée vs huile de théier (N = 1 ; n = 34), avec le calcarea carbonica oral vs placebo (N = 1 ; n = 20)
  • critères de jugement secondaires :
    • plus grand nombre de réactions locales graves avec la crème d’imiquimod à 5% qu’avec le véhicule (N = 3 ; n = 27 ; RR 4,33 avec IC à 95% de 1,16 à 1,19 ; nombre nécessaire pour nuire (NNN) > 40).

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu’il n’existe, pour aucune intervention, de preuve concluante de l’efficacité dans le traitement du molluscum contagiosum. Ils ont trouvé des preuves de qualité moyenne indiquant que l’imiquimod topique à 5% n’est pas plus efficace que l’excipient seul pour la guérison clinique, mais entraîne un plus grand nombre de réactions indésirables au niveau de la zone où il est appliqué. Ils ont également trouvé des preuves de qualité élevée indiquant qu’il n’y a pas de différence entre les traitements quant à l’amélioration à court terme et qu’il n’y a pas de différence quant au nombre d’effets indésirables généraux. Comme il n’existe pas de preuve de l’avantage de l’un des traitements, l’expectative est parfaitement justifiée dans cette maladie.

 

Financement de l’étude

National Institute for Health Research, Cochrane Infrastructure Funding octroyé au Cochrane Skin Group.

 

Conflits dintérêts des auteurs

Aucun conflit d’intérêts n’est mentionné.

 

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

Les auteurs de cette synthèse méthodique ont consulté un grand nombre de bases de données. Ils ont même utilisé Google. Ils ont recherché des études qui n’avaient pas été publiées ou qui ne l’étaient pas encore, ce qui leur a permis d’obtenir 3 études supplémentaires portant sur l’imiquimod. Pour une meilleure homogénéité clinique, ils n’ont pas inclus les études menées chez des patients immunodéficients (comme les patients ayant une infection par le VIH) ou chez des patients avec mollusca génitaux. Cela explique la présence prédominante d’enfants et d’adolescents dans la synthèse méthodique. La sélection des études, l’extraction des données et l’évaluation du risque de biais ont été réalisées par deux auteurs indépendants, éventuellement avec un troisième auteur en cas de divergence. Seules 5 études avaient un faible risque de biais. Pour la plupart des études, il n’a pas été possible d’estimer le risque de biais en raison de l’incertitude concernant le secret d’attribution et de biais de mention des résultats. Seules 8 études décrivent avec précision l’attribution des groupes d’étude. Onze études ont été menées en double aveugle. Cependant, les études comparant un traitement avec la cryothérapie ou le curetage ne pouvaient évidemment pas être menées en aveugle. La plupart des études étaient de très petites tailles (seulement 5 études ont inclus plus de 100 patients), et la proportion des sorties d’études était élevée (jusqu’à 50% dans une étude). La plupart des résultats de la méta-analyse ne sont donc pas précis. En outre, pour la plupart des comparaisons, une seule étude était disponible. Un élément positif est que les auteurs ont également pris en compte les patients présentant une guérison complète pour le critère de jugement secondaire « amélioration ».

 

Interprétation des résultats

Cette mise à jour de la synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration a seulement apporté 11 nouvelles études. Comme la plupart des études étaient de petite taille, et en raison des limites sur le plan méthodologique, les conclusions de la précédente synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration (4) ne sont guère modifiées. L’ajout de 3 études non publiées totalisant plus de 800 participants a toutefois apporté des faits probants de qualité modérée montrant que la crème d’imiquimod à 5% n’est pas plus efficace qu’un excipient seul mais provoque plus d’effets indésirables locaux, éventuellement graves.

Plus de la moitié des études comparaient 2 traitements actifs, et il n’est donc pas possible d’évaluer l’avantage versus placebo ou expectative. La résolution spontanée du molluscum contagiosum demande en moyenne 13,3 mois, mais 30% des enfants ne sont toujours pas guéris après 18 mois, et 13% ne le sont pas encore après 2 ans (2). En cas d’eczéma atopique ou d’immunosuppression, des récidives surviennent parfois pendant des années, également à l’âge adulte, et la possibilité d’une guérison est dans ces cas souvent exclue. Certains de ces enfants présentent plusieurs centaines de lésions (notamment par auto-inoculation), avec d’importantes répercussions sur la qualité de vie (2). Étant donné que cette infection virale se transmet par contact direct ou par contact indirect via des vêtements contaminés (5), le traitement est sans doute justifié car des enfants atteints d’eczéma atopique et, de plus en plus, des enfants atteints d’immunodéficience, sont également présents dans les classes des écoles maternelles.

Il est remarquable que seulement 2 études avaient un bras curetage. L’une n’avait inclus que 50 patients répartis en 3 groupes d’étude (curetage, cryothérapie, collodion d’acide salicylique à 14% + acide lactique à 14%) et ne pouvait pas montrer de différence d’effet. Les résultats de l’autre étude n’ont pas pu être utilisés parce que le critère de jugement « nombre de visites nécessaires » ne correspondait pas aux critères de jugement prédéfinis par les auteurs de la synthèse méthodique (6). Dans cette étude, on a observé que les patients du groupe curetage (versus 3 traitements topiques) avaient moins besoin de visites, et ce de manière statistiquement significative, qu’il y avait moins d’effets indésirables et que la satisfaction des parents était meilleure. Une étude d’observation rétrospective a montré un taux de réussite élevé après une première visite pour curetage (7). Pour la cryothérapie, seules 2 études étaient disponibles, et elles étaient de faible qualité, ce qui ne permet pas de tirer des conclusions.

Enfin, la plupart des études n’ont pas examiné des paramètres cliniques importants, tels que la récidive, la transmission à d’autres personnes et la qualité de vie.

 

Conclusion de Minerva

Cette synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration montre que les preuves de qualité manquent concernant l’utilisation des traitements courants du molluscum contagiosum chez les enfants et les adolescents immunocompétents. Il existe néanmoins suffisamment de faits probants contre l’utilisation d’une crème d’imiquimod, au vu de l’absence d’effet et de la survenue de réactions cutanées locales parfois graves. Il y a un besoin urgent d’études méthodologiquement bien conçues avec le curetage et la cryothérapie.

 

Pour la pratique

Le guide de pratique clinique Duodecim (3) recommande de faire disparaître les lésions du molluscum contagiosum à l’aide d’une pince spéciale, d’une aiguille ou d’une curette et, chez les enfants anxieux, d’appliquer localement de la crème de lidocaïne/prilocaïne 20 à 30 minutes avant l’intervention. Selon le même GPC, la cryothérapie à l’azote liquide serait une alternative, et l’efficacité des divers autres traitements topiques ou systémiques du molluscum contagiosum est incertaine. Cette synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration peut seulement montrer, avec un niveau de preuve élevé, que l’imiquimod est à déconseiller.

 

 

Références 

  1. Olsen JR, Gallacher J, Piguet V, Francis NA. Epidemiology of molluscum contagiosum in children: a systematic review. Fam Pract 2014;31:130-6. DOI: 10.1093/fampra/cmt075
  2. Olsen JR, Gallacher J, Finlay AY, et al. Time to resolution and effect on quality of life of molluscum contagiosum in children in the UK : a prospective community cohort study. Lancet Infect Dis 2015:15:190-5. DOI: 10.1016/S1473-3099(14)71053-9
  3. Molluscum contagiosum. Duodecim Medical Publications. Dernière mise à jour: 17/05/2009. Dernière revue: 25/04/2013.
  4. van der Wouden JC, van der Sande R, van Suijlekom-Smit LW, et al. Interventions for cutaneous molluscum contagiosum. Cochrane Database Syst Rev 2009, Issue 4. DOI: 10.1002/14651858.CD004767.pub3
  5. Brown J, Janniger CK, Schwartz RA, Silverberg NB. Childhood molluscum contagiosum. Int J Dermatol 2006;45:93-9. DOI: 10.1111/j.1365-4632.2006.02737.x
  6. Hanna D, Hatami A, Powell J, et al. A prospective randomized trial comparing the efficacy and adverse events of four recognized treatments of molluscum contagiosum in children. Pediatr Dermatol 2006;23:574-9. DOI: 10.1111/j.1525-1470.2006.00313.x
  7. Harel A, Kutz AM, Hadj-Rabia S, Mashiah J. To treat mollusum contagiosum or not-curettage: an effective, well-accepted treatment modality. Pediatr Dermatol 2016;33;640-5. DOI: 10.1111/pde.12968

 

 


Auteurs

Morren M.A.
Dienst Dermatologie, Universitair Ziekenhuis Leuven
COI :

Poelman T.
Vakgroep Volksgezondheid en Eerstelijnszorg, UGent
COI :

Glossaire

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