Revue d'Evidence-Based Medicine



Traitement du pityriasis versicolor



Minerva 2011 Volume 10 Numéro 5 Page 62 - 63

Professions de santé


Analyse de
Hu SW, Bigby M. Pityriasis versicolor. A systematic review of interventions. Arch Dermatol 2010;146:1132-40.


Question clinique
Quelles sont l’efficacité et la sécurité de différents médicaments topiques et oraux versus l’un l’autre ou versus placebo pour traiter et prévenir le pityriasis versicolor ?


Conclusion
Cette synthèse méthodique d’études de mauvaise qualité méthodologique montre que les différents traitements topiques et oraux sont plus efficaces qu’un placebo pour le traitement du pityriasis versicolor. Aucune conclusion ne peut être formulée pour le premier choix de traitement ni pour la durée de celui-ci. La littérature actuelle ne permet pas de conclusion quant à l’efficacité préventive de ces traitements.


 

Contexte

Le pityriasis versicolor est une infection cutanée très fréquente provoquée par la levure Malassezia furfur. Le risque que ce commensal de la peau devienne pathologique augmente sous un climat chaud et humide, chez les personnes souffrant d’hyperhidrose ou d’immunosuppression (1-3). L’affection se caractérise par l’apparition de plaques finement desquamantes, bien délimitées, de pigmentation d’intensité variable (versicolor), se localisant principalement sur le thorax ou les membres. Elle ne provoque en général pas de symptôme quoique certains patients puissent se plaindre de prurit. L’hyper- ou hypopigmentation des lésions peut perdurer pendant des mois ; le risque de récidive est élevé (2-4). De nombreuses études ont été réalisées, évaluant plusieurs traitements possibles ; une synthèse méthodique n’en avait pas encore été réalisée.

 

Résumé

Méthodologie

Synthèse méthodique avec méta-analyse

Sources consultées

  • MEDLINE, EMBASE, Cochrane Skin Group Specialized Register, Cochrane Central Register of Controlled Trials (jusqu’en juin 2008), LILACS (jusqu’en mars 2009)
  • littérature “grise” et banques de données d’études enregistrées (jusqu’en novembre 2008)
  • listes de références des publications isolées.

Etudes sélectionnées

  • critères d’inclusion : études contrôlées comparant un médicament oral ou topique versus placebo/véhicule simple, versus autre dose thérapeutique du même médicament ou versus autre médicament pour le traitement ou la prévention du pityriasis versicolor ; études évaluant l’efficacité et les effets indésirables
  • pas de critère d’exclusion
  • 93 études incluses : 61 évaluant un traitement topique et 25 un traitement oral ; 6 études en prophylaxie.

Population étudiée

  • 8 327 patients présentant un pityriasis versicolor.

Mesure des résultats

  • critère primaire d’efficacité : disparition de la levure vérifiée par un test au KOH
  • critère primaire de prévention : absence de récidive
  • critères secondaires : disparition de l’éruption cutanée au test avec la lampe de Wood, de la desquamation et de l’irritation.

Résultats

  • traitements topiques (N=61)
    • versus placebo : efficacité montrée pour les dérivés azoliques (MAR de 65% pour le kétoconazole ; N=7), pour la terbinafine (MAR de 45% ; N=4) et d’autres médicaments (zinc pyrithione, acide salicylique sulfuré, sulfure de sélénium)
    • versus autres médicaments : puissance insuffisante pour évaluer l’efficacité
    • le traitement est d’autant plus efficace qu’il dure plus longtemps et que la dose est plus élevée (N=5 études avec le bifonazole)
    • tolérance : réactions locales
  • traitements oraux (N=25)
    • versus placebo : efficacité montrée pour l’itraconazole, le kétoconazole, le fluconazole
    • versus autres médicaments : puissance insuffisante pour montrer une différence
    • plus la dose et la durée sont élevées, au plus le traitement est efficace.
  • traitement topique versus oral
    • fluconazole oral versus clotrimazole crème : pas de différence
    • le shampoing au sulfure de sélénium est plus efficace que l’itraconazole oral (MAR 30%)
    • prévention avec des médicaments topiques ou oraux (N=6)
    • l’itraconazole oral 1x/mois est plus efficace qu’un placebo (N=2).
     

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que plusieurs médicaments topiques et oraux sont plus efficaces qu’un placebo pour traiter le pityriasis versicolor. Des études cliniques randomisées, contrôlées, sont nécessaires pour préciser les différences d’efficacité entre des médicaments topiques et oraux pour traiter et prévenir le pityriasis versicolor.

Financement

Non mentionné.

Conflits d’intérêt

Non mentionné.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Lors de leur recherche dans la littérature, les chercheurs ont consulté un nombre suffisant de banques de données. Ils ont également exploré la « littérature grise » sans spécifier de quoi il s’agit. Ils ne précisent pas si l’évaluation de la qualité méthodologique des études, l’inclusion des études et l’extraction des données ont été effectuées par 2 chercheurs indépendamment l’un de l’autre. Pour la qualité méthodologique, les 4 critères principaux (randomisation, secret d’attribution, insu et analyse en intention de traiter) ont été évalués, mais selon la Cochrane Collaboration ceci est insuffisant pour évaluer les différents risques de biais possibles (5). La plupart des études incluent un nombre faible de patients et sont aussi de piètre qualité méthodologique. Seules 2 études évaluant des médicaments topiques et aucune concernant les traitements systémiques répondent aux 4 critères choisis. Lors de leur analyse ultérieure des résultats, les auteurs oublient de tenir compte de cette faible qualité et aucune analyse de sensibilité n’est réalisée en fonction de ce critère de qualité. Les auteurs mentionnent également une hétérogénéité clinique significative (protocole d’étude, critères de jugement choisis, médicaments utilisés, dose et durée d’administration) ce qui ne permet pas de sommer les résultats de nombreuses études. Quand elle est possible, une telle sommation est faite en modèle d’effets aléatoires mais un test d’hétérogénéité n’est pas mentionné. Nous pouvons donc conclure à de nombreuses limites méthodologiques pour la synthèse méthodique, les méta-analyses mais surtout les études incluses.

Mise en perspective des résultats

Les résultats des différentes études sont exprimés en Modification Absolue de Risque (MAR, Risk Difference des épidémiologues) et en NST. La plupart des traitements topiques et systémiques sont plus efficaces que le placebo. Pour les traitements topiques, les NST varient entre 1 et 3. Pour les traitements systémiques, les NST sont en général plus élevés. Ni dans les forest-plots publiés, ni dans les tableaux annexes disponibles online (6), une distinction est faite entre rémission microbiologique (= critère primaire) et rémission clinique (= critère secondaire) critère plus pertinent pour le médecin généraliste. Nous ne savons également rien de la persistance de l’effet obtenu ni ne pouvons conclure quant à la durée optimale des traitements. Les auteurs suggèrent cependant dans leur discussion que, suivant les données d’étude, un traitement topique de 1 à 4 semaines est à recommander. Les études comparant différents médicaments topiques ou différents médicaments oraux ont une puissance insuffisante pour montrer une différence. Une étude incluant 40 patients seulement montre une différence significative en faveur du sulfure de sélénium versus itraconazole oral. Malgré cette observation, les auteurs mentionnent dans leur discussion que les formes étendues (définition non précisée) de pityriasis versicolor devraient de préférence être traitées par des antimycosiques oraux. Quoi qu’il en soit, le recours à des antimycosiques oraux doit tenir compte des risques hépatiques avec le kétoconazole particulièrement mais aussi avec l’itraconazole. Les résultats quant à l’efficacité préventive des traitements topiques ou oraux pour le pityriasis versicolor sont contradictoires et ne permettent pas de conclusion.

 

Conclusion de Minerva

Cette synthèse méthodique d’études de mauvaise qualité méthodologique montre que les différents traitements topiques et oraux sont plus efficaces qu’un placebo pour le traitement du pityriasis versicolor. Aucune conclusion ne peut être formulée pour le premier choix de traitement ni pour la durée de celui-ci. La littérature actuelle ne permet pas de conclusion quant à l’efficacité préventive de ces traitements.

 

Pour la pratique

Les guides de pratique (7,8) donnent la préférence à des antimycosiques topiques pour le traitement du pityriasis versicolor en raison d’une moindre survenue d’effets indésirables. Les antimycosiques systémiques peuvent provoquer des effets indésirables (e.a. hépatiques) modérés ou sévères et présentent des risques d’interactions potentiellement sévères. Ces guides ne mentionnent pas de différences d’efficacité entre les traitements topiques. En cas d’absence de guérison avec un traitement local (sulfure de sélénium ou dérivé azolique) un traitement oral avec de l’itraconazole peut être envisagé avec les précautions nécessaires. Cette synthèse méthodique d’études de mauvaise qualité méthodologique n’apporte pas de complément d’informations.

 

Références

  1. NHS Clinical Knowledge Summaries (CKS). Pityriasis versicolor. Background information. November 2010.
  2. Gupta AK, Bluhm R, Summerbell R. Pityriasis versicolor. J Eur Acad Dermatol Venereol 2002;16:19-33.
  3. Schwartz RA. Superficial fungal infections. Lancet 2004;364:1173-82.
  4. NHS Clinical Knowledge Summaries (CKS). Pityriasis versicolor. Diagnosis. November 2010.
  5. Chevalier P. Qualité méthodologique et biais dans les RCTs. MinervaF 2010;9(6):76.
  6. Hu SW, Bigby M. Pityriasis Versicolor. A systematic review of interventions. Arch Dermatol 2010;146:1132-40.
  7. NHS Clinical Knowledge Summaries (CKS). Pityriasis versicolor. Management. November 2010.
  8. Van Puijenbroek EP, Duyvendak RJ, De Kock CA, et al. NHG-Standaard Dermatomycosen (Eerste herziening). Huisarts Wet 2008;51:76-84.

 

Noms de marque

Antimycosiques oraux

  • fluconazole : Diflucan® caps. et sir., Candizole®, Doc Fluconazol®, Fluconazol Apotex®, Fluconazol EG®, Fluconazole-Ratiopharm®, Fluconazole Mylan®, Fluconazole Sandoz®, Fluconazole Teva® et Fungimed® caps.
  • itraconazole : Itraconazol Apotex®, Itraconazole EG®, Itraconazole Mylan®, Itraconazole Sandoz® et Itraconazole Teva® caps., Sporanox® caps. et sol., Spozole® caps.
  • kétoconazole : Nizoral® compr.
  • terbinafine : Doc Terbinafine®, Lamisil®, Terbinafine Apotex®, Terbinafine EG®, Terbinafine Mylan®, Terbinafine Sandoz® et Terbinafine Teva® compr.

Antimycosiques topiques

  • bifonazole : Canestene derm Bifonazole® crème
  • kétoconazole : Docketoral® shampoing, Nizoral® shampoing, Nizoral crème
  • sulfure de sélénium : Selsun® 2,5% shampoing
  • terbinafine : Lamisil® crème, Lamisil® gel Dermgel, Lamisil® sol. Once, Terbinafine EG® crème
Traitement du pityriasis versicolor



Ajoutez un commentaire

Commentaires